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La Fondation Precious Forests a organisé une table ronde avec l’appui de TEREA / ATIBT pour affirmer le rôle de la gestion durable des forêts dans l’atténuation du changement climatique

Le 6 octobre, la Fondation suisse Precious Forests a organisé une table ronde intitulée « substantiating the claim of SFM with regards to climate change mitigation » (affirmer le rôle de la gestion durable des forêts dans l’atténuation du changement climatique) basée notamment sur l'étude du même nom réalisée par FORM International". La mission de la fondation est de contribuer à la préservation durable des services écosystémiques des forêts tropicales, tant pour les communautés locales que pour la planète; de promouvoir l'utilisation responsable de produits ligneux et non ligneux durables; et de soutenir et financer des idées innovantes basées sur la recherche appliquée, pertinentes pour la gestion durable des forêts certifiées (Precious Forests Foundation | Lasting pre­servation of natural tro­pical forests (precious-forests.foundation).

Crédit: TEREA

La table ronde a rassemblé des experts issus du secteur privé forestier et du monde du carbone, pour échanger sur le rôle et la place des projets de gestion durable des forêts (dits « SFM » pour « sustainable forest management ») dans les mécanismes internationaux du carbone. L’ATIBT a participé à cet échange, représentée par deux experts du bureau d’études TEREA.

Depuis le protocole de Kyoto, à l’origine des marchés du carbone tels que nous les connaissons aujourd’hui, ce sont les projets de reboisement et plantations (dits « ARR ») qui dominent, par leur capacité évidente à séquestrer du carbone et leur image positive auprès du grand public.

Les projets de gestion durable des forêts, sur des concessions déjà exploitées, n’ont pour l’instant pas tiré leur épingle du jeu. Or une forêt durablement gérée, notamment par des techniques dites d’exploitation forestière à impact réduit (EFIR), permet des réductions substantielles d’émissions de gaz à effet de serre par rapport à des pratiques dites conventionnelles, tout en permettant à la forêt de ne pas être convertie à d’autres usages, grâce à la valeur économique qui lui est ainsi donnée. Plus encore, les pratiques dites RIL-C (exploitation à impact réduit pour l’atténuation du changement climatique) permettraient, selon des études récentes dans plusieurs pays tropicaux, de réduire de 51% les émissions de GES par rapport à des pratiques conventionnelles. Au Gabon, ces estimations atteignent même 62% si toutes les concessions appliquaient les pratiques RIL-C (Ellis, 2019).

Ces réductions d’émissions pourraient donner lieu à des crédits carbone, dont la vente sur les marchés internationaux permettrait aux exploitants forestiers de financer les investissements nécessaires aux changements de pratiques. Des méthodologies validées au niveau international existent et pourraient permettre de comptabiliser et valoriser les crédits carbones issus d’une gestion durable des forêts.

Plusieurs questions se posent néanmoins pour les forestiers, d’ordre financier (quels coûts et quels bénéfices ?), techniques, mais aussi en termes d’image. L’exploitation forestière souffre en effet, comparativement aux projets de plantations, d’une image négative, ou en tout cas mal connue auprès du grand public.

La table ronde de la Fondation Precious Forests a permis de proposer des orientations, qui permettront peut-être d’apporter des réponses à ces incertitudes :

  1. Les opérateurs forestiers ont besoin d’avoir une meilleure compréhension des marchés du carbone, des prix et des coûts/avantages de la mise en œuvre d'un projet carbone. Ils doivent également comprendre les questions de propriété du carbone, qui sont très spécifiques à chaque pays. Le recours à une assistance technique externe (facilitateurs) pour faire le lien entre gestion durable des forêts et marchés du carbone apparaît utile.
  2. Il est nécessaire de transmettre au grand public et aux potentiels investisseurs l’idée qu’une forêt tropicale durablement exploitée comporte des bénéfices économiques, sociaux, environnementaux et joue un rôle majeur dans la lutte contre le changement climatique.
  3. Un prix juste et rémunérateur des crédits carbone permettra aux forestiers de s’engager dans ces initiatives prometteuses tout en étant assurées que leurs investissements, parfois importants mais nécessaires, soient couverts.

D’autres échanges suivront cette table ronde. Durant la COP26, l’ATIBT continue à suivre de près la question du carbone forestier, pour s’assurer que l’exploitation forestière durable soit reconnue comme un levier majeur d’atténuation du changement climatique.

Considérations techniques d’un projet carbone SFM

A travers une étude récemment réalisée au Gabon par TEREA et CIBOLA Partners, plusieurs points saillants ont pu être identifiés, directement liés aux contraintes des mécanismes carbone internationaux.

  1. L'additionnalité: un projet carbone doit démontrer que les réductions d’émissions n’auraient pas eu lieu en l’absence de financement lié au carbone. Il s’agit là d’un problème pour les concessionnaires qui ont déjà mis en œuvre de bonnes pratiques (par exemple, les opérateurs certifiés FSC/PAFC), avant de s'engager dans des projets carbones. Leurs pratiques sont déjà très positives en termes de réduction d'émissions / stockage de carbone mais ne peuvent être valorisées dans le cadre des mécanismes carbone car elles ont commencé avant le projet / sur une base volontaire. Cette question peut être résolue en partie en choisissant un scénario de référence adapté.
  2. Le scénario de référence: l'additionnalité est directement liée au scénario de référence et celui-ci va influer sur les possibilités d’obtention de crédits carbone. Par exemple, le choix d’un scénario de référence historique (basé sur les émissions d’une année antérieure, en conformité avec les choix politiques du pays, par exemple dans le cadre de ses engagements climatiques), absolu (basé sur la moyenne des émissions de toutes les concessions d’un pays) ou individualisé, (spécifique à chaque concession en fonction des techniques appliquées dans le passé) doit permettre, selon le cas, aux opérateurs de mieux valoriser leurs efforts de réduction d’émissions. Evidemment, le scénario de référence est dépendant des cadres institutionnels spécifiques et définis par chaque Etat. Au Gabon par exemple, l’obligation de certification d’ici 2025 pour toutes les concessions pose la question de l’obtention de crédits carbone volontaires alors que la démarche devient obligatoire.
  3. Le marché : certains pays, notamment le Gabon dans le cadre de l’ordonnance du 13 septembre 2021 sur les changements climatiques, ont choisi d’opter pour un marché du carbone national. Dès lors, comment les exploitants peuvent-ils valoriser leurs réductions d’émissions sur les marchés volontaires internationaux ? Auront-ils la garantie de la propriété des crédits carbone ?

Autant de questions qui nécessitent d’être approfondies à mesure que l’intérêt de la communauté internationale pour la gestion forestière durable grandit.

 

Coline Seyller, Pierre Schueller, Benoît Demarquez - TEREA

Precious Forest Foundation and Jeanne Ehrensperger – PFF

 

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