29.05.2020
Il est aujourd’hui certainement plus facile et plus efficace de demander à 1 million de paysans possédant des systèmes agroforestiers (SAF) divers à base de café cacao, hévéa, cocotier ou girofle d’inclure 10 arbres dans leurs SAF que de planter et surveiller sur 20 à 40 ans des plantations forestières de bois d’œuvre ou énergie en zone tropicale pour aboutir à un même nombre d’arbres plantés.
Introduction
Les principaux SAF tropicaux sont souvent dits complexes : multi étagés et multi-espèces.
Les paysans incluent le plus souvent :
Ils peuvent être sur base : i) café ou cacao, avec des arbres d’ombrage pour un ombrage situé autour de 30 %, ii) d’hévéa ou aussi d’arbres spécifiques comme le damar (Shorea javanica) ou le couple durian/surian en Indonésie avec des fruitiers ou des arbres de bois d’œuvre, iii) idem avec le girofle en SAF ou en parc à Madagascar et iv) avec le cocotier incluant aussi éventuellement l’élevage et v) les jardins de case.
Après une forte déforestation liée à l’implantation de toutes les cultures pérennes, les SAF permettent de considérer une sorte de reforestation avec une biodiversité importante. Dans les plaines de Sumatra et de Kalimantan en Indonésie, une partie de la biodiversité végétale est maintenant dans les SAF à la suite de la disparition des forêts.
1- Les grands systèmes agroforestiers actuels existants
Les principaux SAF incluant des bois d’œuvre et d’énergie sont aujourd’hui :
2- Des exemples de SAF avec bois d’œuvre ou d’énergie
Le bois d’énergie est très présent (i) au Sahel pour les besoins en énergie des ménages, (ii) à Madagascar sur la côte Est dans les SAF a girofle pour l’alimentation des alambics pour la distillation (iii) de l’Ylang-Ylang aux Comores : les vieux arbres locaux, les vieux fruitiers, les eucalyptus, pins, Acacia mangium et autres sont tous utilisés et valorisés à cet effet.
Pour le bois d’œuvre, la production dépend souvent de la politique nationale sur le « tree tenure » (ténure de l’arbre) soit l’arbre appartient au paysan et il peut le vendre, soit ce n’est pas le cas et l’intérêt à favoriser sa culture est remis en cause (le cas de la Côte d’Ivoire notamment) :
Une autre forme de valorisation concerne les fruitiers avec bois de valeur : le durian par exemple.
Une des problématiques majeures concerne l’équilibre entre espèces natives vs espèces introduites.
3- Efficacité des programmes de reboisement de qualité pour les sociétés forestières
Les forêts cultivées durables sont un succès en Europe.
Comparativement, peu de sociétés forestières ont effectué des investissements dans les plantations durables à Sumatra ou Kalimantan à l’exception notable des plantations de teck de Java, remarquablement gérées depuis 1815. Cet échec en Indonésie et globalement dans toute l’Asie du Sud-Est est dû à un faible intérêt lié à un retour sur investissement trop long (35/50 ans) etc.
En zone tropicale, s’il n’y a pas une reforestation effective au niveau des entreprises forestières, qui peut produire les arbres de bois d’œuvre de qualité, à moindre coût, sans investissement important notable et ayant la possibilité d’attendre de longues années ?
4- Le paysan : un futur forestier
Qui est le mieux placé pour intégrer des arbres dans les SAF complexe ou même SAF simples (ombrage café ou cacao…) ? La réponse est probablement du côté des paysans qui insèrent les arbres dans les systèmes agroforestiers actuels sans problèmes majeurs à cout marginal, voire éventuellement en « woodlot » (mini parcelle forestière) comme au Kenya. La condition sine qua non est que le paysan profite de son investissement : que la politique de « tree tenure » donne la pleine propriété des droits et usages de l’arbre à celui qui le fait pousser.
Il reste bien sûr des problèmes d’accès au matériel végétal de qualité (pin, teck, Mahogany…).
On constate le rôle majeur des marchés pour créer des opportunités de production :
L’accès aux marchés et le type de marché spécifique sont donc des clés pour le développement d’une sylviculture décentralisée, atomisée, non spécialisée, et avec le développement concomitant d‘intermédiaires locaux capables de traiter les arbres de la coupe au champ à la transformation (scierie…).
Il est nécessaire de favoriser l’accès aux services pour la collecte et le traitement des arbres par des tiers avec une répartition équitable de la marge par les différents acteurs.
Les paysans auront ainsi un meilleur rapport coût efficacité pour ce type de plantation et une grande souplesse d’intégration et d’entretien des arbres dans les systèmes existants : dans les SAF, les « woodlots », les « hedgerow systems » ou systèmes en haies etc.
La politique nationale doit intégrer une « tree tenue policy and right favorable » à la production de bois par les paysans et reconnaitre leurs droits donc sécuriser ces droits des paysans sur leurs arbres.
Il serait souhaitable d’Impliquer TOUS les acteurs peut être dans des systèmes de type « plateformes d’innovation » incluant producteurs, services privés de coupe et de traitement des arbres, transport, sociétés forestières, sociétés de transformation du bois brut (scieries, artisans …) etc.
Le rôle éventuel des certifications reste à explorer car aucune certification n’est à l’œuvre actuellement pour les bois produits par les paysans.
Auteurs : Eric Penot, CIRAD, UMR Innovation, co animateur du groupe agroforesterie au CIRAD et membre du groupe agroforesterie de la Cité du Développement Durable de Nogent sur Marne.
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