03.02.2023
Suite à une couverture médiatique très critique sur les crédits carbone ces dernières semaines, le CIFOR apporte une réponse mesurée sur la nécessité de poursuivre les efforts pour créer des marchés vertueux du carbone, sans toutefois les considérer comme une solution providentielle.
Les scientifiques du CIFOR-ICRAF encouragent en effet les décideurs politiques à ne pas abandonner la mise en place de mécanismes de compensation carbone, soulignant les opportunités de ces mécanismes, mais attirent également l’attention sur leurs limites qui ne doivent pas faire oublier que la priorité absolue est de limiter nos émissions. Les crédits carbone peuvent jouer un rôle en se positionnant comme un outil pour parvenir à une baisse significative mais ne sont pas une solution miracle.
L’article original du CIFOR ayant été publié en anglais, nous le relayons ici traduit.
Vous pouvez retrouver ici l’article de The Guardian publié le 18 janvier auquel fait référence le texte du CIFOR, ainsi que la réponse de Verra, l’organisation qui gère la norme de certification visée par The Guardian.
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Avis aux médias
Un article paru dans The Guardian le 18 janvier 2023 remet en question l'efficacité de REDD+ et des compensations de carbone forestier si les projets ne disposent pas des normes de surveillance et de contrôle nécessaires pour atteindre leurs objectifs de réduction des émissions de carbone et de la dégradation des forêts.
Mais les scientifiques du Centre de recherche forestière internationale (CIFOR-ICRAF) mettent en garde les gouvernements contre l'abandon pur et simple de cette pratique, soulignant la nécessité cruciale de réduire nos émissions de gaz à effet de serre et le rôle efficace que REDD+ peut jouer pour atténuer les effets des industries qui ne peuvent pas se décarboner.
"La compensation carbone est souvent présentée comme une panacée ou comme une distraction dangereuse par rapport à l'atténuation des émissions de gaz à effet de serre. Ce n'est ni l'un ni l'autre", déclare le Dr Robert Nasi, directeur général par intérim du CIFOR-ICRAF, une organisation mondiale de recherche et de développement qui, depuis plus de 75 ans, exploite le pouvoir des arbres, des forêts et des paysages agroforestiers pour relever les défis mondiaux les plus pressants de notre époque : perte de biodiversité, changement climatique, sécurité alimentaire, moyens de subsistance et inégalités.
Pour atteindre les objectifs fixés par l'accord de Paris, nous devons réduire de 90 % notre dépendance à l'égard des combustibles fossiles. Mais comme tous les secteurs ne peuvent pas être décarbonés, c'est là que les systèmes de compensation carbone scientifiquement fondés, équitables et transparents peuvent jouer un rôle. Les forêts et les arbres (ainsi que les océans) sont particulièrement efficaces pour absorber et stocker le dioxyde de carbone. Ils offrent également de nombreux autres avantages : ils abritent un large éventail d'espèces végétales et animales et contribuent à réguler le climat de la Terre en libérant de la vapeur d'eau et en absorbant la lumière du soleil. Les forêts contribuent également à la protection contre l'érosion des sols et les inondations et fournissent des ressources telles que le bois et les produits non ligneux.
Les solutions gagnantes pour les forêts et les arbres sont donc les suivantes :
Chacune de ces solutions a le potentiel de devenir une compensation du carbone par les forêts ou les arbres ; elles apportent également une myriade d'autres avantages, le stockage du carbone devenant l'un des sous-produits d'un meilleur entretien de nos terres.
Cependant, la compensation du carbone par les forêts et les arbres a aussi ses inconvénients. L'une des principales préoccupations est que ces projets peuvent déplacer les communautés locales, en particulier dans les pays en développement où les terres sont souvent rares. En outre, de nombreux projets de compensation des émissions de carbone se déroulent dans des zones reculées, ce qui rend difficile le suivi et la vérification du piégeage réel du carbone. Un autre problème lié à la compensation du carbone par les forêts et les arbres est qu'il s'agit souvent d'une solution à court terme à un problème à long terme. Les arbres et les forêts mettent du temps à arriver à maturité et à atteindre leur plein potentiel de séquestration du carbone, et même alors, ils peuvent ne pas être en mesure de compenser entièrement les émissions produites.
En résumé, la compensation du carbone par les forêts et les arbres peut être un outil précieux dans la lutte contre le changement climatique, mais il est important de l'aborder avec prudence. Il faut prendre en compte les impacts négatifs potentiels sur les communautés locales et la nécessité de surveiller et de vérifier la séquestration du carbone. Il est également important de reconnaître que si la compensation du carbone par les forêts et les arbres peut être utile, elle ne remplace pas la réduction de nos émissions globales de carbone. Il est clair que les projets de compensation du carbone ne pourront jamais freiner la croissance des émissions si l'on continue à construire des centrales électriques alimentées au carburant ou à acheter des voitures à essence.
"Nous sommes comme la reine rouge dans Alice au pays des merveilles qui a besoin de courir sans cesse pour rester au même endroit", explique M. Nasi. "Cela ne veut pas dire que les projets de compensation du carbone doivent s'arrêter, bien au contraire. Nous devons continuer à restaurer les forêts et les tourbières tout en développant des projets d'énergie renouvelable et d'efficacité énergétique via des programmes de compensation. Mais cela ne peut pas être une simple excuse pour continuer à faire comme si de rien n'était. Comme la Reine rouge, nous devons courir plus vite si nous voulons aller quelque part."
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