24.03.2023
Dans un pays où le secteur informel produit douze fois plus de bois que le secteur formel, comment faire pour développer une économie forestière formelle ?
Sous les regards de tous, certaines entreprises forestières à capitaux chinois (COKIBAFODE et Congo Sun Flower) transportent des grumes en grande quantité sur la Nationale N°1, pour les stocker dans un parc à bois dans les mangroves proches du port de Moanda et par la suite, les charger en barges dans des bateaux à destination de la Chine.
Pendant ce temps les entreprises forestières industrielles formelles du pays luttent pour leur survie. Pourtant, elles ont respecté la législation en place, ont investi dans des plans d’aménagement et dans la construction d’usines de transformation. Certaines se sont même engagées dans des processus de certification forestière. Il y a quinze ans elles étaient une vingtaine, mais les coûts et délais logistiques, la fiscalité et le dysfonctionnement des services administratifs ont poussé la majorité des entreprises vers un arrêt des activités en raison de leur non-rentabilité.
Actuellement les revenus gouvernementaux de l’économie forestière reposent totalement sur les cinq entreprises restantes. Comment faire contribuer tous les autres acteurs de la filière forêt-bois, lesquels produisent ensemble douze fois plus que les cinq entreprises ?
© VisioTerra - Parc à grumes dans les mangroves proche du port de Moanda
Un travail à mener sur la régularisation des acteurs
Une partie de la solution réside dans la formalisation de ces autres entreprises. Le CIFOR, à travers ses projets FORETS et PROFEAAC, cherche à aider les artisans informels à se formaliser, ce qui n’est pas facile. Non seulement, les règles et la durée du processus ne sont pas clairs, mais il y a aussi un manque de confiance en l’administration. Beaucoup d’inquiétudes existent quant aux sanctions et taxations exagérées que subissent des entrepreneurs formels et sur le non-fonctionnement du système de sécurité sociale.
Les projets du CIFOR, qui ont démarré à Kisangani dans la province de Tshopo, permettent de bien informer les artisans sur les procédures de formalisation, et sur la législation par laquelle ils sont concernés. Ceci permet non seulement de respecter cette législation, mais aussi d’être compétent pour répondre à de fausses accusations d’illégalité ou de non-paiement de fiscalité.
© VisioTerra - Impression de la quantité de grumes stockés en 2020
Un travail à mener aussi sur la qualité des produits
Parallèlement, le projet donne des formations techniques aux artisans formels pour les aider à avoir un meilleur rendement et une meilleure qualité de produits que leurs concurrents informels tout en respectant l’environnement et ses communautés. Entre autres, une expérience est en cours pour le séchage des débités avec l’énergie solaire et les déchets du bois.
© Photo : Silvia FERRARI - Séchoir artisanal à énergie solaire et à biomasse
En effet, à l’intérieur du pays la fourniture d’électricité est irrégulière et chère. Les coûts de fonctionnement d’un groupe électrogène, en plus du temps de séchage des bois débités (immobilisation du stock), demandent aux artisans un gros investissement dont le financement sur fonds propres est souvent impossible. Les séchoirs à énergie solaire sont fabriqués sur place avec du matériel local, notamment du bois pour l’isolation thermique des parois du séchoir. L’eau, chauffée par le soleil et par une chaudière à biomasse, parcourt les radiateurs à l’intérieurs des cellules et permet de sécher les débités. Silvia FERRARI, chercheur spécialisée dans le séchage du bois, travaille avec les artisans pour optimiser le système et pour les former sur le temps de séchage en fonction des épaisseurs et des essences de débités. Ce sujet passionnant pourra devenir une solution pour beaucoup d’artisans et petites entreprises dans le Bassin du Congo et ailleurs, et nous ne manquerons pas de vous informer des résultats !
© Photo : Silvia FERRARI - Séchoir artisanal chargé
