16.10.2019
Il nous est apparu intéressant de reprendre dans cette tribune les réactions de deux anciens dirigeants de l’ATIBT, Messieurs Landrot et Groutel par rapport aux dernières annonces en provenance du Gabon.
« L’affirmation du Ministre Lee White est tellement vraie lorsqu’il dit, dans sa dernière interview au Monde « Personne n’est prêt à payer le juste prix pour sauver les forêts tropicales »[1] . Aller à l’encontre de ce principe en allant lui-même chercher les financements norvégiens, à la veille du sommet pour le climat convoqué par le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, il fallait y croire. Il fallait aussi avoir en tête ce que nous pouvons contribuer à sauver, nous pensons bien entendu à nos chers assalas[2] mais aussi à celles et ceux qui vivent en forêt et de la forêt.
Il est clair que le Gabon est très certainement, le pays de la région le plus à même de combiner un développement harmonieux tout en préservant ses magnifiques forêts. Une sorte de Costa-Rica africain ? Cette position originale est due à une combinaison entre volonté politique, attachement de la population à son patrimoine, une démographie contenue, une couverture forestière remarquable, la possibilité de mobiliser d’autres ressources et enfin, la présence d’une faune unique.
Il y a 10 ans déjà, le ton avait d’ores et déjà été donné avec l’obligation de transformation sur place du bois, puis par le récent engagement à l’endroit de la certification à 100% d’ici 2022 et enfin, par ce travail profond de lutte à l’encontre des concessionnaires non respectueux. Sur ce dernier point, qui est très délicat, nous ne pouvons qu’encourager et remercier le Ministre et ses équipes pour leur persévérance de tous les instants.
Comme déjà indiqué, la certification ne va pas bien. Trop chère ? Mal comprise ? Peu récompensée ? Avec des produits qui subissent une concurrence internationale provenant d’offres à bas coûts issues de plantations industrielles ou par des bois illégaux ? Et si, outre ces facteurs qui se cumulent, il y avait à prendre en compte une certaine forme de faiblesse du soutien octroyé aux entreprises impliquées dans ces schémas d’excellence ? Que cela signifie-t-il ? Qu’il faut apporter d’autres ressources. Certains de proposer des Paiements pour Services Ecosystémiques (PSE)[3]. Les forestiers responsables gèrent aujourd’hui trop de complexité : productions, gestion des ressources humaines, logistiques, investissements, prospective, marchés, devises, prix des carburants… tout un registre somme toute « normal » mais auquel il faut adjoindre tout ce que nous avons déjà souligné auparavant et qui n’est pas finançable par le seul privé et la vente de bois.
Il est fondamental d’admettre que le secteur forestier ne peut pas prendre à bras le corps toutes les incertitudes du marché, mais qu’en revanche il doit rester un relais de premier choix dans les territoires. Les autorités forestières, les parcs nationaux ont déjà des aires considérables à couvrir, ils ont besoin d’alliés.
La forêt se retrouve au cœur de nouveaux principes dont ceux du « zéro carbone » et du « zéro déforestation importée ». Comme l’indique un article récent de Fordaq : « Jamais la forêt n’a fait l’objet d’une telle attention médiatique dans le monde, même s’il est vrai qu’il y a de quoi depuis deux ou trois ans. La forêt est en train de devenir le marqueur international de la lutte contre le dérèglement climatique »[4]. Là aussi, le Gabon a une fantastique carte à jouer, à un peu plus d’un an de la conférence de Kunming. Cette 15e conférence des parties (COP15) sur la diversité biologique a en effet comme ambition : « Zéro perte nette pour les écosystèmes en 2030 »[5]. Chacun de considérer que cela ne pourra se faire sans le travail en commun de « tous ceux dont l’activité impacte la biodiversité : Etats, entreprises, autorités locales, investisseurs » (Ibidem).
Il est pertinent de croire qu’une réponse à apporter aux préoccupations internationales (zéro déforestation importée) passe bien entendu par la certification.
Il s’agit finalement de :
– Mutualiser les efforts afin que les soutiens obtenus soient justement répartis ;
– Considérer des crédits biodiversités et carbones partagés entre Etat, communauté et gestionnaire forestier ;
– Mettre les IFL[6] dans les crédits carbones ou encore les Hautes Valeurs de Conservation ;
– Encourager le gouvernement gabonais dans sa politique FSC 100% 2022 ;
– Accroître les superficies forestières des entreprises certifiées en créant 4 leaders regroupant des UFA[7] pour atteindre les 2 million d’hectares chacune ;
– Apporter un soutien aux forestiers de plus petite taille ;
– N’autoriser et encourager l’usage du Made in Gabon que pour les bois certifiés.
Le Gabon pourrait-il être un nouveau Costa-Rica ?
En fait, le Gabon, avec ses caractéristiques particulières, avec le soutien de pays comme la Norvège, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la France, les USA et l’UE… et pourquoi pas la Chine et l’Inde, peut développer un « modèle gabonais ».
Ce qui est mis en place au Gabon est simplement une note d’espoir. Et si cela pouvait être un sursaut ? Un modèle inspirant ? Encore faut-il que les marchés relaient la démarche. Sur ce point, l’application stricte des règles de diligence raisonnée sont primordiales.
Le monde entier doit soutenir le Gabon car ce que propose le Gabon aujourd’hui c’est l’exemple d’un développement vertueux qui préserve l’environnement et montre la voie à suivre pour les autres pays de la région. »
Emmanuel Groutel