09.03.2023
Les 1er et 2 mars se déroulait à Libreville le One Forest Summit. L’ATIBT y était présente pour soutenir ses membres engagés dans la gestion durable des forêts. Que retenir de ce sommet ? Quelles décisions ont été prises, et sont-elles convaincantes ?
Le 1er mars, l’ATIBT a animé une table ronde sur la gestion durable des forêts en lien avec les marchés. Cette discussion a permis d’aborder le marché intérieur du bois dans les pays d’Afrique centrale, sujet de plus en plus important dans l’économie forestière.
Replay de la table ronde sur l'exploitation durable des forêts et la valorisation du bois
Les conclusions de cette table ronde sont que la filière forêt-bois engagée dans une production gérée durablement a besoin des marchés, de tous les marchés qui comprennent bien la démarche entreprise par les gouvernements et les entreprises forestières dans l’ensemble de la sous-région pour la mise en œuvre d’une gestion responsable et certifiée des forêts. Les marchés intérieurs sont également essentiels pour assurer l’avenir de la filière durable, mais cela ne se fera pas facilement. Il faut une approche fiscale qui puisse faciliter l’accès au bois durable par les consommateurs de nos pays. Un exemple concret est la réduction de la TVA sur le bois destiné au marché intérieur, sur l’exemple d’un matériau de base qu’est le ciment.
Par ailleurs, des solutions innovantes en matière fiscale, en matière de sponsoring, mais aussi en matière de finance carbone et biodiversité, devront pouvoir être mises en œuvre, car les marchés du bois, avec leurs difficultés et leurs aléas, ne suffiront pas à soutenir seuls la filière du bois géré durablement.
L’ATIBT a en outre assisté à un atelier sur un sujet crucial pour diminuer la concurrence déloyale du bois illégal sur les marchés et pour lutter contre la dégradation des forêts, à savoir la traçabilité. Rosalie Matondo, Ministre de l’Économie Forestière de la République du Congo, a conclu les discussions en insistant sur la nécessaire confiance mutuelle entre pays producteurs et pays importateurs, à l’aune d’un nouveau règlement européen sur la déforestation importée : « Le premier mot qui est important, c’est la confiance, la confiance entre les pays producteurs et les pays qui achètent nos produits de nos pays. (…) Ce que je retiens de ce beau panel, (…) c’est cette volonté que les marchés européens s’ouvrent aux produits africains, et donc nous allons faire cette route ensemble pour que la transparence soit de mise et pour que notre opération internationale aille de l’avant. »
Replay de l’atelier sur la traçabilité, clé de voûte de la durabilité
En parallèle se tenaient les discussions sur la finance innovante qui se sont ouvertes par la présentation du rapport du Fonds pour l'Environnement Mondial (FEM) intitulé « Opportunités et défis pour les crédits carbone à impact biodiversité et les certificats nature » (rapport complet en anglais et résumé en français). Ce rapport présente un état des lieux, un diagnostic et des recommandations pour débloquer de nouvelles ressources financières pour la conservation, l'utilisation durable et la restauration de la biodiversité d'une manière socialement inclusive, en mettant l'accent sur deux instruments émergents : les crédits carbone à impact biodiversité et les certificats de nature. Il a été préparé par un groupe de travail de haut niveau après la COP27.
Il a été salué l’engagement du secteur privé à jouer un rôle pour le netzero, car les entreprises comprennent de plus en plus leur dépendance à la nature. Les réglementations et l'évolution des normes comptables les poussent également dans cette direction.
L’ensemble des replays est à retrouver ici
Tout au long de ce sommet, nous avons insisté sur le développement de l’économie forestière, la nécessité de prix abordables pour le marché domestique, et le besoin de meilleures infrastructures afin de réduire les coûts logistiques.
Jacqueline Lardit van de Pol en discussion sur la nécessaire amélioration des infrastructures avec Frans Timmermans, Vice-Président de la Commission Européenne
A l’issue du One Forest Summit, un accord a été signé entres les pays forestiers et la communauté internationale : le Plan de Libreville. Cet accord repose sur cinq piliers :
On peut regretter que ce plan d’action n’évoque pas de pistes concrètes pour la rémunération des « services rendus au reste du monde par les pays forestiers ». Alain Karsenty revient sur cette problématique dans un article du Monde. « La rhétorique de la « rémunération pour les services rendus par la nature » est totalement inappropriée car elle éloigne de la question essentielle des moyens par lesquels on peut faire avancer la lutte contre la déforestation : quelles politiques doivent-elles être mises en œuvre pour faire évoluer profondément les pratiques agricoles, clarifier les droits fonciers, permettre l’accès des populations à des énergies alternatives au charbon de bois, accélérer la transition démographique en Afrique par l’autonomie économique et sociale des jeunes femmes, aménager les territoires, progresser vers l’Etat de droit… Et cette rhétorique escamote également les changements nécessaires à consentir dans les pays industriels quant aux modes de consommation (viande, agrocarburants, etc.) pour réduire la demande de produits contribuant à la déforestation. Les deux logiques sont très différentes : dans l’une, on verse des rentes. Dans l’autre, on incite à des changements ou à conserver des pratiques vertueuses. »
Autre issue du One Forest Summit : un budget de 100 millions d’euros (50 millions de la France, 20 millions de la Fondation Walton, et 30 millions de Conservation International) a été alloué pour une initiative de « Partenariats de conservation positive » (PCP). Cette initiative, axée sur la protection des stocks de carbone et de la biodiversité dans les pays forestiers, a pour objectif de mettre en place à court terme des contrats pour les pays volontaires qui pourront présenter des retours dès la COP28 à Dubaï fin 2023. A nouveau, pas de proposition concrète. Les mécanismes de certificats biodiversité sont évoqués, et c’est un enjeu que l’ATIBT suit de près (cf. notre tribune à ce sujet). Plusieurs projets de méthodologie de certification de la biodiversité sont en cours de développement et plus ou moins avancés ; l’OBC, l’Organization for Biodiversity Certificates à laquelle nous avons adhéré fin 2022, travaille au développement d’une méthodologie qui devrait permettre de rendre opérationnels des certificats biodiversité à l’horizon 2025.
Télécharger le Plan de Libreville
Ce qu’il faut retenir de ce sommet :